lundi 22 août 2011

L''Appel Républicain : interview de Rafaet Dali au journal "l'Audace".

INTERVIEW de Rafaet Dali, parue dans le journal "l'Audace" N°12  du 4 au 17 août 2011...

"L'Audace" :  Votre parti l'Appel Républicain ( Ennida ElJomhouri) est enfin légalisé après quelques mois de flottements ... Quelles sont les grandes lignes de votre programme?

Rafaet Dali : Quoique nous nous sommes fixés, en priorité,  le rôle d'Observatoire de vigilance et de propositions accompagnant le processus démocratique, l'Appel Républicain a élaboré un projet de programme il y a quelques semaines mais nous avons choisi d'attendre le moment voulu pour le diffuser dans les médias, dont certains, comme vous le savez,  sont encore sous ordres ou sous contrepartie "sonnante" pratiquant le tri sélectif.
Pas de promesses inutiles, ni de bla bla, mais nous axerons toutes nos énergies sur la prédominance des valeurs sans lesquelles aucune action ou réforme ne pourrait être menée à bien.
Pour les grandes lignes, ce programme tourne donc autour de 3 principes fondamentaux plus 3 axes directeurs et 30 propositions d'actions ou réformes innovantes.
Parmi ces principes figurent bien sûr les "Valeurs", le slogan du parti étant : "les valeurs  au cœur de toutes les actions et réformes" nécessitant un substantiel changement de mentalités et de comportements pour ramener la confiance en passant par le civisme et le respect. .....mais aussi "l'exemplarité" (l'exemple vient d'en haut,  les responsables devant être des référent et irréprochables) et enfin  "l'humain" au cœur de nos préoccupations, actions et stratégies.
Les 3 axes qui configurent ces mesures sont :
- l'élimination de toutes les inerties du système précédent ( gangrenant la justice, l'éducation, la santé, le développement régional, l'administration etc...)
- le renforcement des acquis et atouts  existants ( ex : "ressources humaines ", le génie tunisien et l'entreprenariat", le tourisme, les industries d'exportation, l'agriculture etc...)
- l'innovation et la création de nouvelles ressources consolidant la richesse nationale et l'emploi afin de préparer l'avenir pour nos jeunes.
Les 30 propositions d'actions et de réformes  porteront bien sûr toutes les composantes entrant dans le développement du pays, l'humain étant au cœur du projet.
En politique, comme vous le savez, il y a les discours et les promesses d'une part et les actes d'autres part... En ce qui nous concerne, nous ferons au mieux pour veiller à ce que la parole donnée par les prochains élus de toutes tendances soit tenue dans les faits. C'est notre engagement.
Le chemin de la confiance retrouvée passe par là et par conséquence ceux de l'investissement, de la croissance et de l'emploi aussi.

"L'Audace" :  Les jeunes ne vous connaissent pas. Pouvez-vous nous rappeler les grandes lignes de votre parcours ?
R.D. :  Je suis issu d'une famille de 10 enfants ce qui fait de notre famille une véritable tribu avec "les autres générations", je suis père de 3 enfants qui "volent" maintenant de leurs propres ailes et 2 fois grand-père par la graçe de Dieu.
Les anciens me connaissent suite à mes multiples parcours nationaux et internationaux,
- professionnel par mes fonctions  à la santé (Directeur régional de la santé de Tunis, Bizerte, Nabeul et Zagouan),
- associatif  puisque j'ai présidé l'association des étudiants en médecine (AFMT) mais aussi  l'Association Générale des Médecins de Tunisie (AGMT), ainsi que l'Association Tunisienne pour la Santé de la Mère et de l'Enfant avec laquelle j'ai organisé et présidé le congrès mondial de l'Association Internationale pour la Santé de la Mère et du Nouveau-né en 1984 ( IAMANEH) en tant que membre exécutif,
- sportif en pratique ( expert en arts martiaux, 2 dan shotokan) et en tant que fondateur de la Fédération Tunisienne de karaté et des Arts martiaux (FTKDA) qui regroupait, avec son école de jeunes, plus de 3000 adhérents, et dont la discipline est devenue également sport olympique,
- et politique bien sûr et malgré moi, (ainsi le destin de chacun fait les choses), en tant qu'acteur sur le terrain et au sommet de l'état mais qui a connu aussi les geôliers, les premières déchirures de l'exil et qui a évité de justesse la corde suite au fameux faux "Complot des blouses blanches" de 1986 dont Ben Ali m'a fait, injustement et cyniquement,  l'honneur de me coller la paternité. J'ai dirigé alors, avec un malin plaisir, un parti anti Ben Ali clandestin à partir de l'Europe, le Front Tunisien de Salut National (dès 1990) dont les tracts et actions dénonçant son système sont connus des tunisiens et dont les contenus restent d'actualité. Il est par ailleurs cité, à plusieurs reprises,  dans les cahiers et rapports établis par le CNRS et les journaux étrangers d'époque sur la situation en Tunisie.
En fait, c'est maintenant que l'histoire contemporaine objective de la Tunisie sera écrite car, la plume, à l'exception de quelques rares journaux militants dont fait partie ce journal ( l'Audace), était en général complaisante sous Ben Ali donc orientée par le système pour pratiquer le panurgisme dans toute sa splendeur.  D'autres vérités surgiront donc et aux historiens maintenant de juger..de la vérité et de l'ampleur de la désinformation du système Ben Ali et complices associés..

"L'Audace" :  Religion et politique, voilà un débat qui occupe l'espace post révolutionnaire et intéresse plus d'un observateur. Votre avis ?

R.D. :
Un constat : L'islam est au cœur de la quasi totalité des tunisiens quel que soit leur mode de vie.
Chaque pays a sa spécificité socio-culturelle et le copier-coller n'a pas de sens. Il faut accepter les différences. Sous Ben Ali, la religion a été persécutée malgré la façade opportuniste hautement prosélytique affichée par lui et sa famille :  la grande mosquée de Carthage, la création de la chaine TV Zitouna, la banque Zitouna le tout intelligemment accompagné par l'action souterraine le déficit des valeurs morales, sociales ou religieuses volontairement mise en place dans le  but de déboussoler les individus, la société et les croyances (harcèlement sous toutes ses formes, corruption aiguë, incivisme flagrant, passe droits pénalisant autrui, injustices, inégalités criantes). En fait, une montagne d'hypocrisie scientifiquement planifiée. Les tunisiens se rendent comptent aujourd'hui de l'ampleur des dégâts, de ce que cachait cette façade religieuse hautement chargée de tromperie et de jeux financiers. Nous ne pouvons pas oublier la réalité des exactions, des crimes, des dénonciations ainsi que les images amenant certains innocents dénoncés par le voisin ou le faux ami, à jurer "par tous les dieux" qu'ils pratiquent quotidiennement "la bouteille" pour échapper à la hargne des tortionnaires aux ordres.
Ces excès outranciers de l'ancien régime  génèrent physiologiquement aujourd'hui une contre-offensive d'exigence de retours à des valeurs souhaitée par tous les tunisiens dont pas une famille n'a pas un membre touché par ces exactions. Ce souhait est général et ne peut être le monopole de personne, ni d'aucun mouvement, l'Islam étant par son essence porteur de message de respect de l'humain et de la nature, de tolérance vis a vis d'autrui.
Le sacré est par définition pur et la politique pas toujours propre.
Les confronter a quelque chose de malsain. Le sacré au dessus de la mêlée, oui.
Les musulmans doivent avoir à l'esprit que la division et la discorde sont contraires aux préceptes du Coran sacré et du message du prophète SAAS.
L'islam est notre bien à tous, nous avons bataillé en Europe contre toutes les tentatives de certains forces "du 2 poids 2 mesures" pour casser de l'Islam ou le défigurer de son sens, et je ne souhaite pas que soient importés en Tunisie ces ingrédients de la provocation que sont l'inquisition religieuse au même titre que l'inquisition laïque.
Si en plus,  "la sonnante et trébuchante" dans toute sa splendeur prend les devants sur les valeurs et que, comme me le dit mon voisin, "tout s'achète, absolument tout", alors il y a de quoi s'inquiéter mais les tunisiens ne sont pas dupes....
Il est bon de rappeler que l'Islam a, tout au long de l'histoire, rassemblé par son message chargé de spiritualité, par l'exemplarité du comportement du croyant dans la société et par la pédagogie qui l'accompagne et il a, à chaque fois, été "secoué" avec les tenants de l'inquisition et du muscle.

"L'Audace" :  Le conflit libyen, à nos frontières semble durer plus que prévu ? A juste titre, cela inquiète le tunisien. Qu'en pensez-vous ?
R.D. :  Par leur solidarité envers leurs frères et sœurs libyennes, les tunisiens ont été tout simplement remarquables et cela me confirme dans l'idée que je me suis faite depuis longtemps, que le Maghreb des peuples a devancé  largement le Maghreb politique.
Ces familles algériennes et libyennes (voisins directs) mêlées aux familles tunisiennes durant les saisons estivales, quelle belle image !!
La Libye se relèvera malgré les tensions, les couacs et les faux intermédiaires qui, à mon avis, ont retardé la solution. Une révolution, c'est comme un plat bien cuisiné. Pour qu'elle réussisse, de multiples ingrédients sont nécessaires qui viennent s'ajouter les uns aux autres à un moment donné dans une localisation donnée, le tout synchronisé selon un savant dosage. L'erreur impardonnable qui casse le soulèvement populaire est de placer de suite un leader et de désigner trop rapidement des représentants affichés et apparents de la révolution.
Les choses sont plus complexes qu'on ne l'imagine mais nous aurons l'occasion d'y revenir. Laissons les choses se décanter..
J'ai eu l'occasion d'approcher le colonel Kadhafi un certain temps lors de ces anciennes visites officielles en Tunisie la fin des années 80. Il imposait à l'époque malgré ses fantaisies. Vous connaissez la suite...
Nous ne pouvons que lui lancer un appel à la raison et à la responsabilité et le rappeler qu'il a dirigé ce peuple frère  durant 43 ans et que cela est suffisant. Qu'il fasse maintenant le geste de se retirer pour que la relève se fasse pour une unité retrouvée et apaisée. Et qu'il se méfie de ceux qui le poussent à la mitraille, l'anti solution pour son pays, son peuple et les siens.

"L'Audace" :  La démocratie tunisienne est-elle en danger ?
R.D. :  Le danger extérieur existe, la vigilance est de règle et les tunisiens doivent résister aux forces contre-révolutionnaires qui, dans l'ombre, veulent les diviser, les séparer, les violenter et nous les connaissons. Nous ne sommes pas à l'abri d'actes douteux.
Au delà de leur diversité visible, les tunisiens, quand la situation l'exige, sont uns et indivisibles à l'image de leur soulèvement de janvier 2011.
En interne, les gouvernants comme les partis et les citoyens doivent savoir partager le dialogue constructif, l'autocritique responsable avec le respect, la solidarité et l'unité.
Oui, Unité nationale car le risque de danger extérieur contre-révolutionnaire est réellement présent.
La vigilance du Tunisien  doit être de tous les instants afin de préserver les acquis de sa révolution et de son patrimoine commun. Nous ne sommes pas à l'abri d'un mauvais coup...

"L'Audace" :  La violence ici et là inquiete t'elle particulièrement ?
R.D.ll n'y a pas de transition sans soubresauts. l'échiquier politique se recompose et le rapport de forces aussi.
Metlaoui, Menzel Bourguiba, Sidi Bouzid, la Kasbah, la violence de tous bords et de toutes origines est un grand mal car elle laisse des traces surtout lorsque elle est perçue comme injuste ou injustifiée. Faire la politique, c'est d'abord prévenir. La première chose à faire de la part des gouvernants, c'est donc de devancer les évènements.
il y a des médiateurs et des négociateurs pour éviter la confrontation. La pédagogie avant l'usage de la force publique qui doit s'appliquer après épuisement des recours.
La transition démocratique post révolutionnaire est incontournable, elle assure l'éducation et l'apprentissage démocratiques par l'acceptation du débat contradictoire imposé par les circonstances.
A ce sujet, nous avions rappelé 3 éléments dans nos précédentes interventions :
1/ Le droit des tunisiens de manifester pacifiquement est un principe démocratique de base à condition que les formes légitimes de  contestations ne perturbent ni la sécurité, ni les biens, ni le droit de travail des citoyens comme des entreprises.
2/ La démocratie, c'est à la fois des droits, des devoirs et des valeurs convenues et acceptées de tous. C'est cela la liberté et la citoyenneté qui s'opposent à l'anarchie et à la violence.
3/ la violence d’où qu’elle vienne appelle la violence. Les extrêmes appellent les extrêmes. Qu'on se le dise.
Les tunisiens dans leur immense majorité privilégient le sens de la mesure et le font prévaloir sur les passions. La révolution tunisienne a su éviter le chaos et la guerre civile. Ce n’est pas un hasard.

"L'Audace" :  L'échiquier politique s'enrichit de nouveaux partis qui viennent rejoindre les anciens. Comment et où vous placez-vous ?
R.D. :  Le foisonnement des partis est un bien, les choses se décanteront au fur et à mesure et le tunisien jugera au final.
D'ici l'échéance de l'élection de la constituante et si tout est bien préparé et conçu, les alliances seront un passage obligé et je suis curieux de savoir comment et dans quel sens elles vont se faire.
Nous ferons sûrement un bout de chemin avec certains partis et associations qui auront fait le choix de l'intérêt général et de la bonne foi. Nous avons des rapports amicaux avec un certain nombre d'entre eux. Je rappelle que nous avons longuement milité avec d'autres et farouchement défendu (et ce depuis les années 90) celles et ceux qui ont été emprisonnés ou subis des atteintes aux droits de l'homme qu'elles que soient leurs tendances politiques depuis la gauche de Hamma Hammami jusqu'à la droite des partisans d'Ennahdha en passant par les destouriens écartés et les citoyens non encartés.. Pas de différence entre les tunisiens dans la lutte contre l'inhumain. Ils le savent, les écrits sont là.
Nous continueront à nous opposer par la pédagogie et l'alerte à tout extrémisme ou déviation contre l'humain  d'où qu'ils viennent.

"L'Audace" :  Etes-vous un parti d'opposition ?
R.D. :  Opposition constructive, Oui.
Il nous arrive d'applaudir le positif et de nous opposer catégoriquement aux manœuvres négatives ou douteuses comme vous avez pu le constater à travers nos précédents communiqués.
Le pouvoir ou le "pouvoir pour le pouvoir", et je le dis sincèrement,  ce n'est pas notre tasse de thé du matin. 

"L'Audace" :  Et si vous devez conclure, que diriez vous ?
R.D. :  Je suis globalement optimiste tant que nous nous éloignons du "silence des cimetières" et du "retour du bâton à tout va" d'où qu'ils viennent. Si en plus, s'instaure les valeurs (qui pour moi constitueront "la mère des batailles") de respect et de civisme au cœur de nos comportements, alors plus rien n'arrêtera la Tunisie sur le chemin de la prospérité sur tous les plans.
Liberté et dignité du citoyen se marieront harmonieusement avec  l'autorité de l'état et des institutions et ils feront de beaux enfants.

Rectificatif au 20 nov 2013 : L'Appel républicain a abandonné son statut de parti pour rester dans la neutralité. Il poursuit son action et ses réflexions en tant qu'observatoire.

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